Lettre ouverte à la communauté d’affaires en TI – par Cyrille Béraud, président de Savoir-faire Linux.
Sans contestation possible, les années 2008 et 2009 seront pour le Québec, dans le monde des TI, les années du logiciel libre. Il était temps! Déjà, depuis plusieurs années, à travers le monde, on assiste à une mutation profonde de l’industrie de l’informatique liée à l’émergence de ce nouveau cadre juridique.
Cet été, à San Francisco, j’ai pu constater de mes yeux, comment, dans la Silicon Valley, avec son efficacité et son enthousiasme légendaires, on se préparait à ce nouveau Big Bang dans les TI. Les entreprises utilisatrices dans le monde ont entamé, elles aussi, des migrations massives de leurs infrastructures où les logiciels libres prennent une place de plus en plus importante. Ce sont tous les secteurs qui sont concernés : industries, services, administrations publiques, PME/PMI, économie de l’Internet. C’est un véritable raz-de-marée auquel nous assistons. Pourquoi? Non pas parce que le modèle du logiciel libre est gratuit, mais parce qu’il est le seul à répondre aux nouveaux défis des entreprises en termes de technologies de l’information.
Parlons métier : le logiciel libre n’est pas une alternative
Face à ce changement majeur de paradigme, l’erreur serait de penser que le logiciel libre est une alternative au modèle propriétaire, que l’on aurait maintenant le choix entre deux visions et deux approches et qu’il suffirait, à partir d’une subtile équation comptable, de déterminer le meilleur choix. Il n’en est rien.
Le logiciel libre n’est pas une alternative, il est une nécessité. Il est la réponse aux problèmes complexes des nouveaux systèmes d’informations d’entreprises qui ont, depuis l’avènement de l’Internet, de nouvelles caractéristiques. Ces nouveaux systèmes d’informations d’entreprises sont devenus fortement intégrés, extrêmement hétérogènes et surtout, ils sont en constantes mutations.
C’est ce dernier point qui invalide tous les indicateurs économiques antérieurs tels que le TCO ou le ROI car ceux-ci s’appuyaient sur une vision rigide, verticale et statique de l’entreprise, à l’image des entreprises du XXe siècle. Cela n’est plus le cas. L’informatique ne se réduit plus à l’automatisation des processus de production. Dans bien des cas aujourd’hui, l’entreprise et son système d’information se confondent et le coût du changement devient la question centrale.
Comment rendre possibles ces interactions multiples et ces mutations constantes tout en maîtrisant au plus près les coûts? C’est là que le modèle du logiciel libre apporte une réponse décisive et c’est là que le modèle propriétaire trouve ses limites. Alors, ouvrons les yeux! Le logiciel libre est là non seulement pour durer, mais chaque jour, il devient un peu plus la norme, l’évidence et la nécessité. Et c’est une bonne nouvelle! Une bonne nouvelle pour tous, pour nos clients et surtout pour nous, leurs fournisseurs!
Parlons affaires : le logiciel libre, une activité (très) rentable
Le modèle économique du logiciel libre est-il viable? Peut-on gagner de l’argent avec le logiciel libre? Non seulement on peut gagner de l’argent, mais on peut en gagner plus et mieux! Parce que l’industrie du logiciel libre est une industrie de l’innovation et du savoir-faire, elle est une économie à haute valeur ajoutée qui crée des emplois durables hautement qualifiés.
Sortons du modèle qui fait de nous de simples revendeurs de solutions dont la plus-value essentielle nous échappe! L’économie du logiciel libre, c’est 100% de la plus-value qui restent dans nos entreprises, ce sont des clients fidèles, c’est de la concurrence loyale et stimulante. Oui, l’économie du logiciel libre nous rendra riche et nos clients heureux!
Le Québec, la Silicon Valley du logiciel libre?
Qu’en est-il au Québec? Il en est au Québec comme partout dans le monde. Ainsi, un rapport publié en 2007 par le Ministère des Services gouvernementaux nous apprend que plus de la moitié des entreprises québécoises utilisent déjà du logiciel libre; les deux tiers pensent augmenter son utilisation à court terme. Le marché est là! Il nous attend, il a besoin de nous. Force est de constater que malheureusement les entreprises de services dans les TI ne sont pas au rendez-vous de l’histoire.
À l’exception notable de Savoir-faire Linux, dont la croissance fulgurante et la notoriété internationale font la fierté du Québec, une grande partie de la communauté des gens d’affaires du secteur des TI reste tétanisée et apeurée devant ce nouveau modèle. N’ayons pas peur! Saisissons une chance historique et construisons ensemble la première industrie des TI en Amérique du Nord. Oui! Le Québec peut devenir la nouvelle Silicon Valley du logiciel libre. Sa main-d’œuvre très qualifiée et abondante, sa situation culturelle singulière, un bassin très large et très varié d’entreprises qui devront investir massivement dans les prochaines années, une capacité d’exportation de nos services très forte, voilà déjà un contexte plus que favorable.
Rajoutons à cela des programmes d’aides à la recherche et développement, les programmes de soutien à notre secteur disponibles jusqu’en 2016. Tous les ingrédients sont réunis! Alors, retroussons nos manches! Parce que l’économie du logiciel libre participe de l’économie réelle dont nous avons tant besoin, transformons les bouleversements économiques majeurs qui s’en viennent, en une opportunité et une chance pour le Québec. Approprions-nous notre avenir et celui-ci saura nous sourire. Oui! Nous le pouvons! Oui, nous le ferons ensemble!