Depuis quelques mois, Ring – un logiciel libre sous licence GPLv3 – crée une vive effervescence dans le monde du logiciel libre, des hackers et de la cybersécurité, bien qu’il soit seulement en version bêta. Plusieurs opérateurs Internet et industriels des télécommunications, et même l’industrie du développement durable, commencent à s’y intéresser de près.
Présenté en plénière au FOSDEM 2016 à Bruxelles il y a quelques semaines, il constituera l’événement de ce week-end simultanément à la conférence FOSSASIA de Singapour et surtout à la conférence LibrePlanet de Boston organisée par la célèbre Free Software Foundation qui fêtera son 30ème anniversaire.
À cette occasion, Cyrille Béraud, le Président de Savoir-faire Linux, nous présente plus en détail Ring, pour mieux comprendre ce qu’est ce logiciel libre et pourquoi, comme le murmurent déjà plusieurs spécialistes, ce logiciel pourrait constituer un jalon dans l’histoire de l’Internet.
Pouvez-vous nous expliquer exactement ce qu’est Ring ?
D’abord je voudrais dire que Ring est un logiciel libre, c’est donc un bien commun. D’un point de vue fonctionnel, le grand public le découvrira comme une sorte de Skype ou de Hangout.
Ring permet d’établir une communication chiffrée vidéo, audio, texte de très haute qualité entre deux ou plusieurs personnes où qu’elles soient dans le monde. Il est disponible pour les plate-formes Linux, Windows, Mac/OSX, Android et d’ici quelques mois sur iOS. Il est distribué avec les sources sous licence GPLv3.
Cependant, je voudrais porter une attention particulière sur le fait que Ring est encore un logiciel jeune, qui reste fragile et qui dans de nombreuses situations fonctionnera de manière imparfaite, voire pas du tout. Ceci étant dit, il s’améliore chaque jour et, dans un environnement standard et pour un usage domestique, il fonctionne déjà très bien.
Mais qu’est-ce qui distingue Ring d’autres logiciels qui ont la même fonctionnalité ?
Ring permet d’établir une communication point à point sans passer par un serveur central. C’est l’élément déterminant. Ring est d’abord une plateforme de communication distribuée. Plus besoin d’opérateurs, ni de serveurs à gérer, plus de coûts associés à chacun de nos appels et surtout Ring offre beaucoup de liberté et de sécurité. Dans un contexte professionnel, c’est déjà une flexibilité et des économies importantes pour de très nombreuses entreprises. Pour tous, c’est la possibilité de communiquer librement et gratuitement où que l’on soit, en toute sécurité.
Techniquement, nous nous sommes appuyés sur des technologies déjà bien éprouvées : ffmpg/libav, GnuTLS, pjsip, etc. Mais concernant l’innovation au cœur de Ring, nous avons utilisé le concept des DHT, Distributed Hash Tables. Pour cela, nous avons développé notre propre librairie, OpenDHT, disponible sur github, en introduisant des innovations importantes qui, conjointement avec les protocoles ICE et SIP, permettent de traverser les routeurs et les pare-feux, de localiser, d’une manière certaine, un utilisateur ou un équipement, même s’il se trouve dans un réseau privé, et d’établir, si l’on possède l’identifiant de son interlocuteur, un canal de communication hautement sécurisé et en temps réel, de n’importe où dans le monde.
De part cette propriété et du fait que Ring utilise des standards ouverts et reconnus, cette plateforme permet d’esquisser un véritable système universel de communication non-hiérarchique sur Internet, en permettant non seulement une communication entre deux personnes, mais plus généralement, entre deux ou une multitude d’objets sur Internet.
De ce point de vue, les innovations que nous avons mises à disposition à travers Ring, ouvrent de nombreuses possibilités et applications industrielles ou grand public. Nous avons déjà dans notre laboratoire, plusieurs prototypes basés sur des plateformes embarquées très légères qui, à partir de Ring, s’interconnectent avec des systèmes domotiques ou des systèmes d’acquisition de données. C’est assez spectaculaire et très prometteur.
Pour compléter ce tour d’horizon, il faut indiquer aussi que Ring fonctionne en mode dégradé et même complètement coupé d’Internet. Imaginez un village isolé en Afrique ou en Inde avec une connexion fragile. En cas de coupure d’accès à Internet, le système distribué de Ring se rétracte sur les nœuds qu’il peut contacter et continue de fonctionner. Dans l’exemple du village coupé du monde, les habitants peuvent continuer à communiquer entre eux. Ring, de ce point vue, peut participer à un développement durable et contribuer au développement de l’économie et de la démocratie de pays ayant des infrastructures de communication peu développées.
Vous voyez, Ring a beaucoup de potentiel ! Et pour rendre Ring et les technologies sous-jacentes disponibles au plus grand nombre, pour permettre à chacun à travers le monde d’inventer leur propre usage de Ring, il fallait que ce soit un logiciel libre.
Y-a-t-il un modèle économique derrière Ring et pouvez-vous en deux mots, nous parler de Savoir-faire Linux ?
Bien sûr qu’il y a un modèle économique derrière Ring ! C’est celui du logiciel libre. Nous créons des valeurs d’usage que nous rendons disponibles gratuitement à tous. Ces valeurs d’usage créent une économie de services. Cette économie, ouverte et concurrentielle, crée beaucoup de valeurs et bien sûr, dans le cas de Ring, Savoir-faire Linux y aura sa place.
Cette économie est basée sur le partage et la collaboration. C’est le modèle d’affaire de Savoir-faire Linux. Il s’oppose à l’économie de rentes et à la captation de richesses par un petit nombre.
Pour compléter, Savoir-faire Linux est une entreprise de services canadienne basée à Montréal, avec des équipes à Québec et Toronto mais également en France à Paris. Nous avons également une présence en Côte d’Ivoire, à travers un partenaire.
Avec nos 110 ingénieurs, tous de très haut niveau et tous spécialisés dans les technologies ouvertes, nous sommes présents dans le domaine de la défense et de l’électronique embarquée, dans le secteur bancaire, avec notre client Desjardins ainsi que dans le secteur de l’assurance, de l’ingénierie logicielle avec l’Agence Spatiale Canadienne, de l’informatique de gestion avec l’Organisation Internationale de la Francophonie et nous fournissons de nombreuses entreprises locales.
Nous avons aussi, et c’est essentiel pour nous, nouer des liens étroits avec les acteurs mondiaux du logiciel libre. Je pense notamment à la Linux Foundation, dont nous distribuons les formations et à nos partenaires éditeurs Open Source, comme RedHat ou Liferay. Nous avons aussi de nombreuses contributions dans des projets libres, comme le noyau Linux.
Voilà, en résumé ce qu’est Savoir-faire Linux. Savoir-faire Linux, c’est l’ambition de créer de la richesse avec des valeurs. Nous n’y arrivons pas toujours. Mais chaque jour, depuis plus de 15 ans, nous remettons l’étoffe sur le métier avec ces deux passions qui nous habitent : la liberté et l’excellence.
[…] Article complet sur Savoir Faire Linux […]